« Certes, ceux qui craignent, quand ils sont touchés par une tentation satanique, se rappellent, et les voilà clairvoyants » (7/201) Ibn Atâoullâh al-Iskandarî (que Dieu lui fasse miséricorde) met en évidence quelques points dans le commentaire de ce verset :

  1. Sans doute possible : « Innâ » = « Certainement ». Cela marque une insistance particulière. Ce qui va être dit dans ce verset est une vérité fondamentale qui ne saurait être contredite.

  2. Pour ceux qui craignent : « alladhîna-t-taqaw » = « ceux qui craignent ». Ce ne sont pas les croyants en général. Dieu n’a pas dit « Ceux qui croient », mais Il a dit « Ceux qui craignent ». Ce verset décrit comment ceux qui craignent c’est-à-dire qui ne restent pas à la surface de la foi mais oeuvrent pour atteindre sa réalité sont protégés du diable.

  3. Une bonne nouvelle : « Idhâ massahum » = « quand ils sont touchés », sous-entendu le fait qu’ils ne sont pas tout le temps touchés par les suggestions sataniques. Ce verset annonce que les croyants ne sont pas perpétuellement mais occasionnellement sous l’influence satanique. En général, le diable n’a pas de prise sur le cœur du croyant. Et quand il en a, le croyant parvient à s’échapper finalement de cette emprise ce qui le conduira à considérer avec encore plus de valeur le bienfait de la foi qui est dans son cœur. C’est tout le contraire pour celui qui se détourne du rappel de Dieu puisque dans un autre verset du Coran, il est dit que Dieu lui assigne un diable comme « compagnon » (nuqayyid lahû shaytânan)

  4. La manière d’agir du Satan : « massahum » Le verbe utilisé pour qualifier l’action satanique est massa qui signifie effleurer. Dieu n’a pas utilisé amsaka (attraper) ou akhadha (saisir). Cela montre que l’emprise satanique sur le cœur du croyant n’est ni solide ni définitive comme c’est le cas pour le cœur voilé. Si le diable parvient à s’établir dans le cœur du croyant quand celui-ci est négligent, il doit se contenter d’insuffler furtivement des pensées fugitives. Mais aussitôt que le cœur s’éveille, les armées du repentir, les armées du regret, les armées du sentiment de dépendance à l’égard de Dieu repartent à l’assaut et reprennent au diable ce qu’il leur a dérobé et lui font lâcher sa proie.

  5. L’outil utilisé par Satan : « tâ’ifum » Deux lectures possibles sont données par Ibn Atâoullâh pour le mot qualifiant l’action satanique, mot que nous avons traduit par tentation. Il explique que ce terme peut se lire aussi bien Tâ’if que Tayf. Les deux sens sont voisins puisqu’ils renvoient à l’idée d’un spectre, d’une ombre, d’un fantôme. Mais le premier est un participe actif (fâ’il) dérivé de la racine Twa Wa Fa qui signifie rôder, tourner autour. Alors que le second est un nom d’action (masdar) dérivé de la racine Twa Ya Fa qui signifie apparaître en songe. Cela montre, dit Ibn Atâoullâh, que seuls les cœurs endormis par l’insouciance sont victimes du songe provoqué par le diable. Ce ne saurait être le cas pour un cœur éveillé par le rappel. De même, les fantômes ne font peur qu’aux enfants. Les adultes ont passé l’âge de croire à ces balivernes. Ainsi, celui qui n’a pas commencé à éduquer son cœur, tel l’enfant, sera piégé par le diable aussi facilement qu’on peut faire croire n’importe quoi à un enfant. Alors que l’adulte ne se laisse pas dérouter de cette manière.

  6. Sans consistance : En choisissant comme terme ce qui rappelle le fantôme, Dieu nous montre que la ruse satanique n’est qu’une chimère, une illusion, et qu’elle n’a ni force ni consistance. Autrement dit, ceux qui craignent Dieu (le verset commence ainsi) n’ont pas à craindre le diable.

  7. Se rappeler : « tadhakkarû » = « se rappellent ». Dieu n’a pas dit « dhakarû » = « rappellent ». Mais Dieu a dit « tadhakkarû » = « se rappellent ». C’est donc un rappel intérieur , pas un simple rappel avec la langue. Et Ibn Atâoullâh de remarquer qu’il ne suffit pas de mentionner avec sa langue un nom de Dieu pour faire fuir le diable, mais il faut essayer de réaliser ce nom dans son cœur. Enlever l’insouciance du cœur, voilà l’enjeu.

  8. Se rappeler quoi ? : Il est remarquable que le Coran n’ait pas précisé l’objet du rappel. Ce n’est pas un oubli car rien n’est dû au hasard dans le Livre de Dieu. Il y a ici un enseignement sublime. Certains cœurs se réveillent au souvenir de Dieu. D’autres le feront en pensant au Paradis. D’autres se reprennent à l’idée du Feu. D’autres encore en pensant à un verset du Coran, comme nous le verrons dans l’histoire à la fin de l’article. D’autres enfin se ressaisissent en se rappelant d’un hadîth, ou d’une sagesse, ou d’autre chose. Dieu n’a donc pas précisé l’objet du souvenir de façon à englober dans Sa Parole toutes les catégories des croyants.

  9. Et les voilà clairvoyants : Les familiers de la langue arabe n’auront pas manqué de remarquer que Dieu n’a utilisé ni la particule , ni la particule thumma, ni la particule pour lier le rappel face à la suggestion satanique et la clairvoyance de ceux qui craignent. Pourquoi ? Parce que ces trois particules dénotent plus ou moins une idée de cause à effet, ou de succession des évènements, en tous cas la présence de deux évènements importants : la suggestion satanique et la réaction de ceux qui craignent. Au contraire, Dieu a utilisé fa idhâ pour louer ceux qui craignent et attirer l’attention sur eux et non pas sur la ruse satanique. C’est un peu comme si on disait d’un bon élève : « Il est brillant. Je lui ai donné un exercice et il l’a résolu sans difficulté. » Toute l’attention est portée sur l’élève, l’exercice ne venant qu’illustrer les compétences de l’élève.

  10. Ils craignent mais restent des hommes : Ce verset montre que même ceux qui craignent Dieu ne sont pas à l’abri des ruses du diable. L’excellence n’est pas dans le fait de ne jamais être touché par le mal, mais dans le fait de réagir parfaitement quand on se trouve piégé par le mal. La différence entre « ceux qui craignent » et les autres, ce n’est pas que ceux qui craignent n’ont plus de passion, plus de désirs, plus d’envies. Tout cela est resté intérieurement chez ceux qui craignent, mais désormais tout est géré savamment. Ibn Ataoullâh analyse d’autres versets du Coran ainsi que des hadîths du Prophète (paix sur lui) qui entretiennent cette même idée à savoir que le véritable croyant reste soumis à la tentation, reste même un pécheur, se trompe aussi… mais la différence est que sa force intérieure lui permet de se reprendre, contrairement à celui qui n’a pas de force intérieure pour réagir correctement. Le Prophète (paix sur lui) disait : « Tous les fils de Âdam (paix sur lui) sont des pécheurs. Les meilleurs d’entre eux sont ceux qui se repentent. »

Une histoire

Au temps du calife ‘Oumar Ibn al-Khattâb (que Dieu soit Satisfait de lui), il y avait un jeune homme qui était un fervent adorateur de Dieu. Il était toujours à la mosquée et ‘Oumar l’appréciait beaucoup. Le père de ce jeune homme était un vieillard. Le fils rendait visite au père après la prière de ‘isha. La route vers le père passait par la maison d’une femme qui s’était éprise du jeune homme.

Un soir qu’il partait voir son père, elle lui fit des avances et ne cessa de l’attirer jusqu’à ce qu’il la suivit. Arrivés à la porte de la maison de la femme, celle-ci entra et le jeune homme allait la suivre quand il se rappela de Dieu et reprit conscience. Ce verset vint alors immédiatement sur sa langue : « Certes, ceux qui craignent, quand ils sont touchés par une tentation satanique, se rappellent et les voilà clairvoyants. » (7/201) Il tomba évanoui. La femme appela sa servante et elles s’entraidèrent et le portèrent jusqu’à la maison de son père. Son père voulut sortir à sa recherche et le trouva évanoui devant la porte. Il appela des gens de la famille. Ils le portèrent et le firent entrer.

La nuit était déjà bien avancée quand le jeune homme se réveilla. Son père lui demanda : « Que t’est-il arrivé ? » Le fils répondit : « Du bien » et il raconta l’histoire. Le père demanda : « Quel verset as-tu lu mon fils ? » Le fils lui répéta le verset et tomba évanoui. Ils le bougèrent mais il était mort. Ils le lavèrent, le sortirent et l’enterrèrent pendant la nuit.

Le matin, ‘Oumar (que Dieu soit Satisfait de lui) fut mis au courant de l’histoire. Il se rendit chez son père et lui présenta ses condoléances avant de dire : « Vous auriez dû me prévenir. » On lui dit : « Chef des croyants ! C’était la nuit. » ‘Oumar demanda qu’on le conduise à la tombe du jeune homme. Tous les présents l’accompagnèrent.

‘Oumar arriva devant la tombe et dit : « Untel ! » Puis il récita : « Et pour celui qui aura craint de comparaître devant son Rabb, il y aura deux jardins » (55/46) Une voix sortit alors de la tombe : « ‘Oumar ! Mon Rabb me les a donnés deux fois dans le Paradis. »

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